L’ARTISTE,
En aucun cas, ne doit copier la nature. Cela semble évident. On ne suit cependant pas si communément une opinion bien établie. On change la nature tout en la copiant. On prend souvent pour du génie cet art du change. Et l’on veut mettre toute son ambition dans un artifice. L’on finit par s’attraper à cette sorte de sincérité truquée.
J’observe que beaucoup d’artistes contemporains n’ont d’autre personnalité que celle que donne une impuissance à s’exprimer. Ils veulent qu’on les voie. Ils ne le peuvent. Ou bien comme on l’entendra ; ils n’ont rien à dire. Ils ne se résolvent pas pour autant, à se taire.
Il y a dans le désir de vivre une espèce de modestie. On peut naître vivant. Il y faut l’adore d’aimer la vie. L’aimer et y croire. Etre sûr de la vie. Cela ne se donne pas. Mais le don n’est rien sans un désespoir qui pousse, à travers l’argile, jusqu’au geste vivant. Alors, sous la patience du pouce, avec cette puissance en soi que l’on tremble de perdre à tout coup, la matière se découvre lentement pour durer. Un geste y est pris – on s’y prend : ce geste que j’ai dit, et non un simulacre. L’argile dure, la vie se sépare. On le regrette pour s’émerveiller.
Séraphin Gilly