Scandale, s’écrie la critique devant une statue de Séraphin Gilly, mais des moines lui passent commande.

La critique, a entonné la lyre de la colère, à propos d’un envoi de Séraphin Gilly au dernier salon ?

– Je ne sais trop pourquoi, elle a découvert un sens pornographique et malsain à ma « Baigneuse ». Peut-être, ma facture l’a t-elle surprise ? nous confit l’élève de Maillot.

L’artiste nous conduit alors vers la statue incriminée. A ma grande joie, je ne puis trouver dans cette oeuvre la moindre justification des propos tenus par un confrère.

D’autant plus qu’au milieu d’un foisonnement de nus, bustes, et bas-reliefs ornementaux, je découvre avec stupeur deux belles ébauches de saints moyenâgeux.

– Une grosse commande, et passionnante à réaliser, me répond le sculpteur. Depuis quelques temps, les moines de Citeaux cherchaient un sculpteur pour présider à la restauration de l’abbaye d’Ourscamp, dans l’Oise. Un beau jour, je vis arriver deux moines accompagnés d’un directeur des monuments historiques (car l’abbaye est classée monument historique, tout en restant propriété privée des moines de Citeaux).

– Mais, votre atelier, plein de ces oeuvres et études de nus, n’a t-il pas causé, si je puis dire, une vive impression sur vos visiteurs en robe ?

– Pas le moins du monde. D’ailleurs, il fallait qu’ils connaissent mon oeuvre, et sans doute l’apprécient, pour venir officiellement me charger des travaux de rénovation artistique de leur abbaye.

Je réalise volontiers cette affirmation en découvrant de nouvelles oeuvres du maître, avec, sur un maitre-autel, une pierre de femme en pierre rose. Gilly la contemple un instant, puis, les yeux déjà vers le lointain ensoleillé :

– Dans quelques jours, je par au château de Lourmarin pour travailler en paix dans le plus noble de nos paysages du Midi…

Gilly est le premier artiste depuis la Libération, qui viendra habiter cette « Villa Médicis » de l’oeuvres…